Pathologie de l’oralité : une véritable passion

Anna Cywinska et Hélène Rousseau ont choisi de rejoindre le futur Pôle de santé pluridisciplinaire, L’Ossau à Lons. Avec notamment une approche particulière concernant les problématiques d’obésité.

 

Rencontre avec Anna Cywinska, psychologue clinicienne.

 

Un mot sur votre parcours personnel ?

Anna Cywinska – Je suis originaire de Pau où j’ai fait l’ensemble de ma scolarité. Après avoir obtenu ma maitrise de psychologie à l’Université de Toulouse, j’ai finalisé ma formation en 2007 par un master 2 de psychologie clinique et psychopathologie à l’Université de Rennes 2 associé à un stage au Centre Hospitalier des Pyrénées de Pau. En effet, à ce jour, le titre de psychologue nécessite d’être titulaire d’une licence et d’un master de psychologie comprenant un mémoire de recherche et un stage professionnel. Une sixième année est à l’étude depuis 2023 au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Actuellement, je partage mon temps entre une activité libérale au sein de la clinique Princess et un emploi salarié au sein d’un EHPAD.

Comme vous êtes-vous orientée vers l’obésité ?

A. C. – J’ai débuté mon parcours professionnel en exerçant dans le domaine de la cancérologie, des soins palliatifs et de la gérontologie. En exerçant à la clinique d’Orthez et à l’hôpital de Saint Palais j’ai découvert la pratique clinique avec les patients bénéficiant de la chirurgie de l’obésité. Cela a été une révélation ! En 2016, mon associée Hélène Rousseau m’a alors proposé de débuter une activité libérale à la clinique Princess, spécialisée dans la nutrition. Je me suis passionnée pour cette « pathologie de l’oralité » – comme le disent les psychologues.

 

Votre approche de cette pathologie ?

A. C. – L’alimentation est évidemment au centre de la problématique des personnes en obésité. Mais la spécificité des psychologues, c’est de s’intéresser également à la satisfaction orale, c’est-à-dire à la satisfaction de la prise alimentaire. Cette satisfaction peut être insatiable, on nomme cela l’hyperphagie, mais aussi compulsive, on parle alors d’hyperphagie boulimique. Les recommandations de bonnes pratiques identifient ces comportements sous le terme de troubles du comportement alimentaire. Au cœur du travail psychothérapeutique avec les patients en obésité, il y a également le corps. Ce corps dont les personnes en obésité viennent nous parler. Ce corps qui ne leur convient pas, qui parfois les gêne, qu’elles peuvent cacher, voire dont elles peuvent avoir honte. Il est très important que les patients puissent confier le rapport à leur corps dans le cadre d’une relation psychothérapeutique de confiance et non jugeante.

D’autres troubles liés à l’obésité ?

A. C. – Oui. On repère également une imbrication entre l’obésité et les troubles anxio-dépressif. L’alimentation peut être un moyen de traiter l’anxiété, mais en retour le vécu de l’obésité peut également amener de l’anxiété. Concernant la dépression, il a été démontré que l’obésité augmente le risque de 55% de développer une dépression sur une vie, et que la dépression augmente de 58% le risque d’être obèse. Bien entendu, il est important de rappeler que toutes les personnes en obésité ne souffrent pas psychologiquement de leur poids et vont très bien !

Quels axes thérapeutiques ?

A. C. – Lorsque nous accompagnons psychologiquement des personnes en obésité qui présentent des troubles du comportement alimentaire, il est indispensable de traiter les problématiques sous-jacentes. L’alimentation peut, en effet, être une réponse à l’anxiété, la dépression, un traumatisme. Il faut donc d’abord s’attacher à faire ce travail de repérage avec le patient, dans le cadre d’une relation thérapeutique transférentielle. Le travail sur le comportement alimentaire, quant à lui, se réalise souvent en association avec nos collègues diététiciens. Par exemple, en repérant la présence d’une restriction cognitive induite par les régimes restrictifs qui ont déréglés la relation avec la nourriture. Les personnes sont alors dans un hyper contrôle de leur alimentation et de leur poids. Nous allons progressivement les accompagner vers une alimentation intuitive, basée sur les sensations alimentaires et lui permettre de se « réconcilier » avec l’alimentation.

 

Quel accompagnement de la solution chirurgicale ?

A. C. – Nous retrouvons la même logique thérapeutique lorsque nous accompagnons des personnes à la chirurgie de l’obésité. L’évaluation et le suivi psychologique s’attachent alors également à évaluer le rapport au corps, les possibles troubles de l’image du corps, les attentes du candidat à la chirurgie, son environnement socio-familial… Nous sommes attentifs à la manière dont la personne va s’approprier cette démarche pour en devenir l’actrice et pas seulement attendre des « miracles » d’une intervention chirurgicale.

 

Vous travaillez avec le Haute autorité de santé ?

A. C. – Tous les éléments dont je viens de parler sont présents dans les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS, à l’écriture desquelles j’ai eu l’opportunité de participer. Les premières recommandations de bonnes pratiques françaises sur l’obésité ont été publiées en 2022. Celles sur la chirurgie bariatrique sont en cours de réécriture, les dernières dataient de 2009 !
Pourquoi avoir choisi de vous installer au Pôle L’Ossau ?
A. C. – Avec Hélène Rousseau, nous voulions continuer notre collaboration en nous associant autour d’un projet professionnel commun. Nous avons créé une SCI afin d’acquérir un local professionnel au sein de ce Pôle pluridisciplinaire. La qualité du projet architectural et le sérieux de la démarche de soin, nous ont convaincu de sauter le pas de l’acquisition. Nous souhaitons mettre nos compétences et notre spécialisation au profit d’un travail de collaboration avec les futurs professionnels du pôle tout en continuant le travail de lien avec l’équipe de la clinique Princess, mais aussi avec les équipes chirurgicales de l’hôpital François Mitterrand et de la clinique de Navarre, ainsi qu’avec le service d’endocrinologie nouvellement installé à la clinique d’Aressy.

 

Vous y exercerez l’ensemble de vos compétences ?

A. C. – En effet. Nos pratiques psychologiques ne se limitent pas aux problématiques de l’obésité. Nous recevons également des enfants, adolescents et des adultes pour lesquels une souffrance psychologique nécessite un accompagnement spécialisé. Nous avons hâte de rencontrer les professionnels du Pôle de santé afin de développer avec eux un travail de collaboration au bénéfice des patients.